Comment les réseaux sociaux fonctionnent-ils ?
Cette question est au coeur de la problématique des groupes sociaux et de l’intégration des inidividus à la société.
I. Les réseaux sociaux relient les individus entre eux
A. Définition et exemples de structuration
Les réseaux sociaux peuvent être définis comme l’ensemble des relations que les individus et les groupes sociaux entretiennent les uns avec les autres. Ce sont donc les relations des individus.
On parle d’analyse de réseaux à partir du moment où l’on étudie au moins trois unités (individus) – ils constituent une triade. C’est seulement à partir de cette unité que l’on peut, en effet, étudier les liens d’interdépendance qu’entretiennent les individus à l’intérieur d’un réseau.
Traditionnellement, il existe deux formes d’analyse de réseau. Soit on se centre sur un individu ou un groupe et on regarde quelles sont ses relations, on parle alors d’étoile ; soit on prend également en compte les relations que les contacts de l’individu peuvent entretenir entre eux, on parle alors de zone.
Dans l’analyse de réseaux, on différencie les liens qu’entretiennent les individus selon leur degré d’intimité.
Les liens forts relient un individu le plus souvent aux membres de sa parenté et à ses amis proches et se caractérisent par une forte affectivité et des relations très fréquentes.
Les liens faibles quant à eux sont des liens qui le relient à de simples connaissances ou encore à des relations de ses contacts personnels (ils sont beaucoup moins fréquents et très peu chargés d’affectivité).
B. Les réseaux forment la sociabilité
La sociabilité est un ensemble de relations qu’un individu entretient avec les autres et les formes que prennent ses relations.
L’analyse des réseaux étudie bien plus la sociabilité réelle (réception à domicile, sorties, fréquentation des bals, cafés, pratique du sport…) que la sociabilité virtuelle sur des sites tels que Facebook, Twitter, Instagram, Snapchat…
Malgré tout, la sociabilité virtuelle peut rejoindre des réseaux réels. En effet, certains réseaux virtuels comme LinkedIn sont un moyen de se créer des relations dans le domaine professionnel.
Il faut noter que la sociabilité prend en compte des relations choisies tout comme des relations non choisies (échange avec un commerçant par exemple). L’amitié va être définie comme les relations électives et affinitaires qu’entretient l’individu.
On note alors de l’homophilie : les individus sont amis avec des personnes qui leur ressemblent socialement : même PCS, même religion, même âge… Les explications sont les mêmes que celles concernant l’homogamie (mariage entre personnes socialement proche) : fréquentation des mêmes lieux, mêmes centres d’intérêts, amis communs…
II. Les réseaux peuvent constituer une véritable ressource
A. Le capital social
Les relations d’un individu peuvent constituer pour lui une forme spécifique de ressources : le capital social.
Cela est d’autant plus vrai que les relations qu’il entretient détiennent un capital économique (ressources financières) et un capital culturel important (niveau de diplôme élevé, détention de biens culturels).
Les relations constituent alors ce que l’on nomme le carnet d’adresses de l’individu et il est d’autant plus utile que les personnes qui y figurent sont influentes.
Ce n’est donc pas tellement la taille du réseau qui compte mais plutôt ce que l’individu peut en faire. L’influence du capital social est très marqué en ce qui concerne l’obtention d’un emploi. Il apparaît ainsi qu’environ un tiers des emplois sont trouvés grâce à des réseaux de relations.
B. La force des liens faibles
Avant de commencer ses recherches, Granovetter définit la force d’un lien comme “une combinaison de la quantité de temps, de l’intensité émotionnelle, de l’intimité et des services réciproques qui caractérisent ce lien”.
Il démontre ensuite que les liens forts ne permettent pas de relier entre eux des groupes d’individus autrement encadrés. En réalité, Granovetter a montré que ce sont surtout nos liens faibles qui peuvent nous aider pour obtenir un emploi.
Ainsi, ce sont les liens faibles qui permettent la circulation de l’information dans un milieu plus vaste alors que dans les liens forts elle risque de rester dans le même milieu.
Les liens faibles sont alors le moyen par lequel l’individu a accès à une information qui n’appartient pas à son milieu restreint. Ce phénomène est appelé la “force de liens faibles” (“strength of weak ties” en anglais) et est formulé par Granovetter au début des années 1970.
Pour vérifier sa loi, il a fait une enquête sur 300 employés et s’est rendu compte que la majorité des salariés américains a trouvé son emploi grâce à ses relations qualifiées de liens faibles. Dans cette enquête, il a également été demandé aux employés de définir la fréquence des rencontres avec la personne qui leur a fourni cette opportunité.
La réponse la plus fréquente, a été plus de 2 fois par semaine pour 16,7% des interrogés, contre 55.6 %, occasionnellement, soit moins de 2 fois par semaine et rarement (1 fois par an ou mois) pour 27,8%.
A partir de ces découvertes, Granovetter change l’image des liens faibles perçus comme la source d’anomie ou de déclin de la cohésion sociale. Il annonce que les liens faibles peuvent plutôt servir comme instruments indispensables aux individus pour saisir certaines opportunités qui s’offrent à eux, ainsi que pour leur intégration au sein de la communauté et déclare que les liens forts provoquent la fragmentation sociale.
C. Le nombre de Dunbar
La théorie «des 6 degrés de séparation» démontre aussi la puissance de cette force de liens faibles : tous les individus sont liés avec les autres par au maximum 6 degrés de séparation.
Le nombre de Dunbar est le nombre maximum d’amis avec lesquels un individu peut entretenir simultanément une relation humaine stable. Cette limite est inhérente à la taille de notre néocortex. Elle est estimée par Robin Dunbar à 148 personnes et a une valeur admise en pratique de 150 personnes.
Ce nombre provient d’une étude publiée en 1993 par l’anthropologue britannique Robin Dunbar qui a analysé la taille du néocortex de différents primates pour la comparer au nombre d’individus de leurs groupes respectifs. Il a ainsi extrapolé ses résultats afin de déterminer un nombre maximum pour la taille d’un groupe d’humains.
Ce nombre ne devrait donc théoriquement pas dépasser 150 individus. Au-dessus de ce nombre, la confiance mutuelle et la communication ne suffisent plus à assurer le fonctionnement du groupe. Il faut ensuite passer à une hiérarchie plus importante, avec une structure et des règles importantes (on le voit par exemple à l’échelle d’un pays et de son gouvernement).
Dunbar indique par ailleurs que le langage que nous avons collectivement développé joue un rôle important dans notre capacité à entretenir des relations sociales avec environ 150 personnes. En effet, le fait de pouvoir parler à plusieurs individus simultanément permet d’établir des rapports efficaces et durables entre nous tous.
En l’absence d’un tel outil de communication collective, chacun d’entre nous passerait la moitié de son temps à entretenir individuellement chacun de ses liens sociaux.
Différentes études ont retrouvé des résultats proches du nombre de Dunbar dans le comportement des utilisateurs de réseaux sociaux sur Internet.
L’essentiel
Les relations entretenues par un individu et les liens qu’ont ces relations entre elles constituent un réseau social. Les relations sont plus ou moins intenses, fréquentes et choisies. Ce sont des liens faibles ou des liens forts. On étudie la fréquence et le type de relations entretenues afin de mettre en évidence la sociabilité mais aussi les réseaux amicaux de l’individu. Ces derniers se caractérisent par l’homophilie.
Les liens entretenus par l’individu constituent le capital social qui peut être particulièrement utile pour trouver un emploi, surtout si ses relations détiennent un haut niveau de capital économique et culturel. Il y a une “force des liens faibles” dans ce domaine.