La loi Internet et Libertés a été votée et adoptée le jeudi 2 avril 2009 à l’Assemblée Nationale par 16 députés sur les 577 élus.
Cela nous donne donc une loi votée à main levée par 2.77% des députés que nous avons élus…
La fameuse Commission Mixte Paritaire, composée de sept députés et sept sénateurs, a opéré, en moins de 2h, quelques modifications au projet de loi Création et Internet (HADOPI), afin d’harmoniser la future loi autour des deux versions du texte successivement votées par le Sénat puis par l’Assemblée.
Mais elle n’a pas fait que ça puisqu’elle en a profité pour durcir le texte.
HADOPI
L’HADOPI est l’instance chargée de récupérer auprès des FAI les adresses mails des internautes soupçonnés de piratage pour leur envoyer des avertissements puis, au besoin, les sanctionner.
Le président de la Haute autorité indépendante sera élu par les membres du collège de l’HADOPI, et non nommé par décret.
La riposte graduée
Est la mesure phare de la loi. On l’appelle “graduée” parce qu’elle se compose de 3 temps : deux avertissements puis la sanction.
Grâce à l’adresse IP recueillie, l’HADOPI pourra envoyer un premier mail à l’internaute lui enjoignant de protéger sa connexion.
S’il est de nouveau “flashé” par les radars des ayants-droits dans les six mois, il peut recevoir alors une lettre recommandée. C’est le dernier avertissement avant la suspension de la connexion internet.
Si l’internaute se fait de nouveau prendre dans l’année suivant la lettre recommandée, l’HADOPI peut alors décider de suspendre son abonnement Internet pendant un mois à un an. L’internaute a un mois pour former un recours devant un juge.
Toute la subtilité de la loi réside dans la latitude laissée à la Haute autorité. Si au bout de trois téléchargement illégaux avérés, elle peut couper le fil Internet, elle peut aussi choisir de faire une simple injonction à l’internaute de protéger sa connexion contre le téléchargement.
Ce qui devrait permettre de ne pas couper la connexion d’une entreprise, d’un hôpital ou d’un jardin public sur laquelle il y aurait eu des téléchargements.
Le paiement de l’abonnement
Les abonnés suspendus au terme de la procédure de riposte graduée (jusqu’à un an de coupure d’accès) devront donc bien continuer à payer leur abonnement, malgré l’interruption de la connexion Internet.
Pas d’amnistie
Les pirates qui étaient déjà poursuivis avant HADOPI ne passeront pas à la trappe. Ils seront toujours poursuivis.
Pas de restriction des débits
La restriction des débits a été abandonnée : cette sanction alternative n’était pas prévue par l’avant-projet de loi. Elle avait été votée par le Sénat et prévoyait ainsi, entre la suspension ou l’injonction de mettre un mouchard logiciel sous astreinte, de diminuer les débits des abonnés dont la ligne pourrait avoir servi à échanger illégalement.
Ni l’Assemblée, ni la ministre de la Culture, n’en avaient voulu et ce sont les députés qui ont eu le dernier mot.
La Commission des droits pourra donc infliger deux types de sanctions : la coupure d’accès ou l’injonction même sous astreinte de mettre un logiciel de surveillance bloquant les activités pirates sur le poste client. (1000 décisions par jour).
Ce logiciel – dont on ne sait rien ! – sera payant et pas forcément interopérable.
Je sens qu’il y en a qui vont changer de système d’exploitation principal sous peu !
Chronologie du média
L’amendement Riester propose un délai de 4 mois entre la sortie en salle et l’exploitation d’un film en DVD, avec possible modulation après accords professionnels avec le CNC notamment.
Pour la VOD, un décret se chargera de ce chapitre sauf si un accord intervient entre temps.
Le label HADOPI
Afin d’équilibrer une loi jugée “répressive” par l’opposition, le député UMP Franck Riester a proposé de favoriser l’offre légale en apposant un label HADOPI sur les sites de téléchargement ou de streaming légaux comme la Fnac, Deezer, etc.
Tous les autres textes discordants entre les deux versions — la labellisation des offres légales et le sur-référencement par les moteurs de recherches, la chronologie des médias coulissante, la captation totale ou partielle en salles de cinéma considérée comme un délit de contrefaçon, la réforme des droits d’auteur des journalistes, etc. — ont été conservés tels que.
Avis
Mon avis est que cette loi sert surtout à effrayer le public et à donner un bon coup de frein au téléchargement illégal par toutes celles et ceux qui téléchargent des films ou de la musique sur le P2P.
Le gros problème du P2P, qui est le principal moyen de distribution visé par cette loi, c’est qu’il est trop grand public : on lance Kazaa/Emule/Limewire/etc, on tape une recherche et hop, cela commence à télécharger. C’est trop simple, trop public, trop facile et surtout tout le monde l’a fait.
La loi aura surtout un effet dissuasif, avec quelques coupures dont les journaux se repaîtront histoire d’instiller la peur. Le téléchargement redeviendra ce qu’il était au début d’Internet : quelque chose d’underground. Et beaucoup plus de gens vont s’atteler à sécuriser leurs connexions, leurs manières de surfer et surtout leurs manières de partager l’information.
En fait cette loi, c’est une invitation à chaque téléchargeur potentiel de s’instruire et de faire muter le réseau vers quelque chose de crypté et sécurisé.
L’iceberg fondera un peu mais s’enfoncera juste un peu plus profond. Le défi est lancé et cela s’annonce très intéressant.
Cela fait tout de même 541 absents non ?!?
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Hello.
C’est vrai que ça parait inquiétant mais en même temps, c’est une belle usine à gaz qui se met en place. Je ne suis pas certain des moyens techniques et humains.
Par exemple, j’ai eu il y a un mois un contrôle de deux pieds nickelés de la CNIL, ils étaient aussi calés en informatique que mon voisin le plombier.
Les fonctionnaires chargés de faire fonctionner ce truc ne seront pas formés, ne seront pas compétents (je suis fonctionnaire, je constate chaque jour notre degré d’incompétence, par manque de formation et d’envie de formation).
Par sécurité, je me renseigne sur Freenet, Tor, Mute, Ants. Nous savons que cette loi va générer une migration des interpirates vers de nouveaux réseaux cryptés et de nouveaux protocoles, sans parler des newsgroup.
Mais finalement, mieux vaut vivre caché et peu nombreux. Quand j’avais 12 ans et que j’allais à la FNAC faire des échanges de copies sur Apple ][, tout se passait bien. Quand on a été plus nombreux, la FNAC a dit STOP. Ici c’est pareil. Plus c’est grand public, moins on peut s’en servir.
La démocratisation d’internet n’a vraiment pas que des avantages…
Coup de théâtre! La loi a finalement été rejetée cet après-midi (15 pour, 21 contre). Ou du moins reportée jusqu’au 28 Avril…
Salut,
@olmon : comme tu dis, mieux vaut vivre caché et peu nombreux. C’est ça le vrai secret des échanges qui marchent bien. Le P2P est mort depuis pas mal de temps pour moi et cela fait longtemps qu’on utilise d’autres sources d’information.
PS : pour les fonctionnaires, c’est vrai que nous manquons de formation et d’envie d’être formé mais je crois quand même que nous sommes bien plus compétents et efficaces que de soi-disant pontes du privé (expérience personnelle).
@Didzi : effectivement ! C’est une bonne nouvelle mais je crois que ce n’est que partie remise. J’espère qu’il y aura un peu plus de représentants du peuple à assister au débat (et à savoir de quoi il retourne vraiment).
Pour une fois que je suis à peu près un truc, je trouve que c’est n’importe quoi :entre l’incompétence et le désintérêt des députés, la façon dont elle a été votée, puis durcie, puis maintenant repoussée, jusqu’à l’épisode suivant… N’importe quoi.
Au niveau de l’efficacité, c’est effarant. Ils n’y connaissent rien et ça transparaît vraiment dans les échanges. C’est une loi pour les lobbies par ceux soutenus par ces mêmes lobbies.
Si les maisons de disques s’étaient adaptées il y a 10 ans à la vente en ligne sur Internet sérieusement, on n’en serait pas là aujourd’hui. Pareil pour les studios qui délayent les sorties de films de plusieurs mois pour les autres pays. Internet, c’est de l’instantané : on veut tout, tout de suite, en même temps que tout le monde et ça ils n’ont toujours pas l’air de l’avoir compris. Il va être quelque peu problématique de faire perdre une habitude qui est devenue un réflexe au fil du temps.
Boafff, Rapidshare (ou autre) avec des noms de fichiers cryptés et des mots de passes pour pouvoir ouvrir les archives et vous êtes tranquilles…
C’est ça BoZo : cela sonne le glas du P2P tel qu’on le connaît (deux utilisateurs connectés au même moment, un qui envoie et l’autre qui reçoit).