Les ministères de l’Education Nationale et de l’Enseignement Supérieur scrutent le buzz et assurent une «veille de l’opinion»

Les ministères de l’Education nationale et de l’Enseignement supérieur viennent de lancer un appel d’offres pour assurer une «veille de l’opinion».

En d’autres termes, suivre tout ce qui se dit et s’écrit dans les médias sur les sujets les concernant. Le premier y consacre un budget de 100 000 euros, le second de 120 000 euros.

A l’origine, ce dispositif a été lancé sous l’ère Gilles de Robien alors qu’il n’y avait qu’un seul ministère. Il a été poursuivi par Xavier Darcos (nommé en mai 2007) et par Valérie Pécresse, qui récupère alors l’Enseignement supérieur. L’an dernier, le budget consacré à cette «veille» était déjà de 220 000 euros.

Certains craignent que le ministre cherche à identifier les courants de pensée qui agitent les salles des professeurs afin d’anticiper des mouvements de grogne.

«Il n’y a pourtant là rien de nouveau, s’étonne-t-on rue de Grenelle, tous les grands ministères – le Travail, la Défense, etc – ont une telle «veille». Nous évoluons avec les media : comme les blogs, tchats et autres forums prennent de plus en plus de place, nous les suivons de plus en plus.»

Le ministère souligne que tout cela se fait dans la transparence: le marché public a ainsi fait l’objet d’une annonce publiée au BOAMP le 4 novembre 2008.

Dans l’appel d’offres daté du 15 octobre, la Délégation à la communication commune aux deux ministères cite ces objectifs : «identifier les thèmes stratégiques (pérennes, prévisibles ou émergents); repérer les leaders d’opinion, les lanceurs d’alerte et analyser leur potentiel d’influence et leur capacité à se constituer en réseau; décrypter les sources des débats et leurs modes de propagation; anticiper et évaluer les risques de contagion et de crise; repérer les informations signifiantes (en particulier les signaux faibles) et les suivre dans le temps; relever des indicateurs quantitatifs (volume des contributions, nombre de commentaires, audience, etc) et les interpréter; alerter et préconiser en conséquence… Les informations signifiantes pertinentes sont celles qui préfigurent un débat, un «risque opinion» potentiel, une crise ou tout temps fort à venir dans lesquels les ministères se trouveraient impliqués».

Big Brother

Outre la presse, les «sources surveillées» sont sur Internet: sites «commentateurs» de l’actualité, media en ligne, sites de syndicats, de partis politiques, sites militants d’associations, de mouvements revendicatifs ou alternatifs, de leaders d’opinion, moteurs généralistes, forums, blogs, pages personnelles, appels et pétitions en ligne…

«Les vidéos, pétitions en ligne, appels à démission, doivent être suivis avec une attention particulière et signalées en temps réel». (source)

Question (gratuite ma question) : qu’est-ce qui peut bien se dire ou s’écrire sur ces deux ministères qui justifie un tel budget alors que dans certains collèges on rame pour avoir des subventions pour des livres ou des cahiers d’exercices ?

Le pays est fliqué, citoyen surveillé.
Le mangeur d’homme a faim.
Pas sûr du lendemain.

Instinct de Mort, TRUST, album Répression (1980).

Résumons un peu la situation. On commence par le fichier EDVIGE, qui institue le fichage systématique et généralisé, dès l’âge de 13 ans, des délinquants hypothétiques et des militants syndicaux, politiques, associatifs et religieux par la police.

On continue avec un système de veille destiné à surveiller tout ce qui se dit et s’écrit sur les ministères de l’E.N….

C’est étrange, cela me rappelle quelque chose. La Stasi peut-être ?

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Matt

Enseignant-chercheur passionné, Matt Biscay se spécialise dans la littérature et la civilisation anglo-américaine, ainsi que la didactique de l'anglais. Titulaire d'un diplôme de l'Université de Cambridge, il met son expertise au service des étudiants en LLCER anglais.
Ses recherches et son enseignement visent à approfondir la compréhension des cultures anglophones et à développer des approches pédagogiques innovantes. Alliant rigueur académique et ouverture d'esprit, il s'efforce de transmettre non seulement des connaissances, mais aussi une passion pour l'exploration intellectuelle et culturelle du monde anglophone.

6 pensées sur “Les ministères de l’Education Nationale et de l’Enseignement Supérieur scrutent le buzz et assurent une «veille de l’opinion»”

  1. “Little brother likes watching us”, version Stasienne ou Sarkozyienne…
    Je conseille à tous la passionnante lecture du roman visionnaire de Georges Orwell, 1984, on y arrive peu à peu.
    Ainsi la grenouille, qui plongée dans l’eau froide chauffée peu à peu se trouve bien, s’engourdit lentement et crève ; alors que plongée dans l’eau bouillante elle se serait débattue comme une belle diablesse pour refuser son sort.

    ps : c’est vrai que les lieux d’échanges des enseignants (salles des profs ou forums virtuels) sont devenus tellement subversifs qu’il faut s’en méfier, wouaf !
    Et c’est là que passe l’argent des cochons de contribuables que nous sommes ?
    Allons-nous réagir ou faire la grenouille ? Oh tiens, pourquoi ne pas commencer par la grève massive du jeudi 20 novembre ?
    Moi, non, j’ai rien dit…

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  2. J’ai envie de dire (comme d’habitude !) que c’est maintenant qu’il faut ruer dans les brancards parce qu’après, ce ne sera plus possible !

    Hasta La Revolucion Siempre !

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  3. Je trouve cette information tout particulièrement scandaleuse quand on sait à quel point les établissements scolaires manquent de moyens et que donc la contestation (des enseignants, des parents, des élèves, etc) est légitime.
    80 000 manifestants dans les rues de Paris le dimanche 19 octobre : bien sûr qu’il faut continuer à nous mobiliser!

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  4. Pour diverses raisons trop longues à expliquer, ça ne me fait pas penser à la Stasi. Plutôt à des romans de Philip Dick. Je m’explique : il est très grossier de repérer les opposants et de les réprimer, par la prison ou autre. Il serait beaucoup plus efficace et pervers de les observer, de les imiter pour les décrédibiliser en les manipulant, en pratiquant une surenchère aberrante par exemple (ce que j’ai l’impression de voir, d’ailleurs, parfois). Infiltrer les communistes pour leur faire vraiment incendier le Reichstag, par exemple. C’est toujours l’effet que me font ces veilles, en gants blancs, qui s’apparente aux veilles des professionnels. Quel nouveau produit politique va-t-on pouvoir faire passer?
    (Bon, je sais, ça fait un peu parano ce que j’écris).
    (Et d’accord pour le manque de moyens ; d’accord ; tu imagines peu à quel point je compatis).

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  5. (ça me fait penser à un auteur anglais ou américain qui écrit sur des retournements d’agents retournés, pendant la guerre froide, à la fin on ne sait plus qui est qui. Pas Graham Greene. Ah, je crois , le transfuge?)
    Je suis parano.

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  6. @Anne : oui, la mobilisation continue. Je crois que je vais imprimer ça et l’afficher en salle des profs – si personne ne l’a fait avant.

    @fanette : ah toi aussi tu es parano ? Join the club ! Oui, tu as raison, ce serait encore plus pervers comme système de lutte anti-opposition.

    Ce pourrait être John Grisham, qui a écrit pas mal de romans d’espionnage et autres complots.

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