Durkheim a donné une image harmonieuse de l’organisation sociale. Ce qu’il privilégie, c’est la stabilité qu’entraîne la solidarité. La source des conflits vient de la nature des liens sociaux. Le conflit est le résultat d’un manque : l’anomie.
Marx, Dahrendorf et Touraine insistent sur le rôle du conflit en tant que moteur du changement social. Le point de départ de cette analyse est bien sûr l’analyse marxiste. On peut alors se demander si l’analyse marxiste du conflit est toujours d’actualité.
I – La notion de conflit
A – Qu’est-ce qu’un conflit ?
Le conflit général met en présence 2 acteurs (individus ou groupes) aux intérêts divergents. Le conflit social a des enjeux politiques, économiques et sociaux.
Le conflit du travail reprend ces 3 enjeux, cependant les acteurs appartiennent à la même unité de production. Il a un caractère légal : c’est la défense collective des intérêts individuels. L’enjeu du conflit peut être interne à l’entreprise ou se répercuter au niveau de la collectivité (réaction en chaîne comme en mai 1968).
La forme la plus fréquente du conflit est la grève, qui a un caractère légal. C’est le meilleur moyen de pression. La manifestation sur la place publique est le moyen traditionnel de prolonger le conflit ( car très médiatisée).
Les conflits de classes (cf. Marx et la lutte des classe) sont différents des conflits sociaux qui sont des oppositions entre groupes sociaux.
B – Le conflit peut être facteur de changement social
Le changement social est la transformation durable de l’ensemble ou d’une partie du système social dans son organisation, dans sa structure et dans ses modèles culturels.
Le changement social est caractérisé par les transformations sociales importantes de la société (les congés payés en 1936 par exemple). Le conflit est créateur : il pousse les acteurs à inventer de nouvelles formes sociales.
Le conflit social a une action dynamique sur l’organisation sociale qui l’oblige à évoluer. Le conflit a une fonction d’intégration des acteurs sociaux car il se déroule au nom d’objectifs communs.
Selon Simmer (1858-1918), le conflit remplit 2 fonctions :
- il révèle les antagonismes sociaux
- il permet de reconstruire l’unité de la société en suscitant des transformations
Selon Marx, le changement social passe par la lutte des classes, qui est le moteur de l’histoire. Chaque société est supposée connaître une succession d’étapes, chacune se caractérisant par un mode de production spécifique mais qui dans tous les cas de figure est à l’origine d’une césure entre dominants et dominés.
Cette opposition conduit à la lutte, le système éclate lorsqu’elle devient exacerbée. Dans le cadre des sociétés capitalistes, la lutte découle de la confrontation entre la bourgeoisie seule détentrice des moyens de production et le prolétariat, détenteur de sa seule force de travail.
Depuis le 19ème siècle, les conflits de travail ont beaucoup marqué le changement social. Les conflits ont permis des progrès significatifs dans l’amélioration des conditions de vie, de travail, de la durée du travail, des droits sociaux.
Les conflits de travail sont profondément liés au mouvement ouvrier et à sa représentation au sein des syndicats. Temps forts du changement social :
- 1936 : congés payés
- 1945 : comité d’entreprise et sécurité sociale
- 1950 : SMIG (Salaire Minimum Interprofessionnel Garanti). Il devient le SMIC (Salaire Minimum Interprofessionnel de Croissance) en 1970
- 1968 : section syndicale dans les entreprises et 4ème semaine de congés payés
- 1982 : lois Auroux
Toutes ces avancées sociales ont été obtenues à partir de conflits massifs et généralisés : les conflits de travail ont donc profondément marqué le changement social.
C – Les conflits de travail existent toujours mais ils sont moins nombreux
On assiste à une baisse de ces conflits à la fin des années 1970. Cette époque marque un tournant avec la baisse du taux de syndicalisation.
Les conflits de travail ont laissé la place à d’autres formes de conflits sociaux, les nouveaux mouvements sociaux, qui ont aussi un rôle à jouer dans le changement social.
Ces conflits dépassent le cadre du travail et mettent en jeu des acteurs sociaux éloignés du mouvement ouvrier traditionnel : ils dépassent le clivage traditionnel salariés/employeurs et syndicats/patronat.
Chez Alain Touraine, les nouveaux mouvements sociaux sont de nouvelles formes de conflits sociaux (mouvements féministes, écologistes, régionalistes…) apparus en réponse aux modifications économiques et sociales et au renforcement du pouvoir des technocrates caractérisant la société post-industrielle.
II – L’analyse marxiste du conflit
Le sociologue allemand Karl Marx (1818-1883) est l’auteur du Manifeste du Parti Communiste (1848) et Le Capital (1867). L’objet central de l’analyse de Marx est la critique du système capitaliste.
Toute l’histoire des sociétés est structurée autour d’un conflit binaire : on parle alors de bipolarisation de la société. C’est la lutte des classes qui fait avancer la société par le changement social. La lutte des classes est le moteur de l’Histoire et du changement social.
Selon Marx, les classes sociales ont 3 caractéristiques.
1 – La place dans les rapports de production
La bourgeoisie est propriétaire des moyens de production alors que le prolétariat ne possède que sa force de travail.
Cette force de travail, les prolétaires sont obligés de la vendre contre un salaire sous-rémunéré, ce qui permet à la bourgeoisie de réaliser un plus-value.
Une plus-value est une augmentation de valeur, dans le cadre de l’analyse marxiste, c’est la différence entre la valeur crée par la force de travail et la rémunération de cette force de travail, le salaire, qui ne correspond qu’au coût de la reproduction de la force de travail.
2 – La conscience de classe
Les membres de la classe prennent conscience de leur unité et de leur séparation avec les autres classes. Marx ne sépare pas la notion de classe de celle de lutte de classe : la bourgeoisie exploite le prolétariat, ce sont donc deux classes antagonistes.
3 – La lutte pour le pouvoir
Les prolétaires vont s’organiser et lutter de façon à se réapproprier les moyens de production. La lutte mène donc à la dictature du prolétariat. Cette dictature ne représente qu’une transition vers l’abolition des classes, vers une société sans classes.
Conclusion
Les conflits de classes, selon Marx, peuvent être moteurs du changement social (rôle primordial des syndicats et du parti communiste dans la lutte des classes).
Les classes sociales sont des regroupements d’individus ayant des conditions matérielles d’existence identiques (revenu, habitat…) et qui, de ce fait, partagent des intérêts communs qui les opposent aux autres groupes sociaux. Autrement dit, la classe sociale se définit de façon conflictuelle.
Pour Marx, une classe sociale n’est réelle qu’à partir du moment où il y a conscience de classe ; aussi convient-il de distinguer la classe en soi qui n’est que le regroupement d’individus partageant des conditions de vie objectives identiques, de la classe pour soi qui correspond au regroupement d’individus qui ont pris conscience de la similitude de leurs intérêts et qui entreprennent une lutte commune.
III – Les analyses du conflit selon Dahrendorf et Touraine
Dahrendorf et Touraine placent le conflit au centre du changement social. Ces deux sociologues ne considèrent pas que l’origine du conflit soit essentiellement la recherche de la détention des moyens de production.
A – L’analyse de Dahrendorf : la lutte pour le contrôle de l’autorité
Ralf Dahrendorf est un sociologue allemand, auteur de Classes et conflits de classes dans la société industrielle (1957). C’est un théoricien du courant d’analyse des conflits d’intérêts.
Dahrendorf est dans la lignée de Marx. Tout en critiquant l’analyse marxiste, il est d’accord sur plusieurs points :
- la structuration en classes
- l’existence d’un rapport dominants/dominés
- le rôle du conflit comme moteur du changement social
Le conflit est dû à la distribution inégale de l’autorité. Certains exercent une autorité et d’autres y sont soumis : une division s’opère en tre les dominants (détenteurs de l’autorité) et les dominés (soumis à l’exercice de cette autorité).
Il existe un pluralisme de conflits : l’autorité peut s’exercer dans plusieurs domaines (autorité politique, professionnelle, syndicale, religieuse…). Il n’existe pas seulement 2 classes aux frontières bien établies. Les classes se structurent selon les intérêts à défendre. Ces regroupements sont multiples et évoluent.
Dahrendorf établit une différence entre :
- les intérêts latents : mal explicités, au degré de conscience collective faible : incapables de lutter de manière organisée : conflits d’intérêts non-organisés (conflits latents)
- les intérêts manifestes : explicités, au degré de conscience collective important : lutte organisée, conflits d’intérêts organisés (conflits ouverts)
B – L’analyse de Touraine : la lutte pour le contrôle de l’historicité
Alain Touraine (1925 – ….) est un sociologue français, auteur de La conscience ouvrière (1966) et La société post-industrielle (1969).
Comme pour Marx, il existe aussi une opposition entre dominants et dominés. La domination résulte de la capacité qu’a un groupe à maîtriser les grands choix de la société, les grandes orientations (35 heures) qui modèleront le devenir de la société.
Les dominants définissent l’orientation et l’image de la société et imposent leur modèle culturel. Ils possèdent le savoir, l’information et ces différentes actions entraînent le changement social. Touraine dit que dans les sociétés post-industrielles, les décisions sont prises par les l’appareil économique et politique.
Société industrielle | Société post-industrielle |
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– l’ordre économique est dominant | – l’ordre économique n’est plus l’ordre dominant |
– le combat se structure autour du monde ouvrier | – le monde ouvrier n’est plus au coeur du conflit |
– les conflits sont concentrés dans l’entreprise | – les conflits se diffusent dans la société toute entière |
– travail ≠ capital | – appareil de décision économique et politique ≠ ceux qui en dépendent (usagers) |
– forme classique du conflit | – la forme classique du conflit est bousculée |
– acteurs sociaux : salariés, employeurs, syndicats | – acteurs sociaux : femmes, minorités, jeunes… |
– champ concerné : le travail | – champ concerné : valeurs, ville, culture… |
Moteur du changement social
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Moteur du changement social
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Conclusion
Ces mouvements ne se revendiquent plus d’une identité de classe. Ils sont souvent l’émanation de classes moyennes salariées qui ont un certain niveau culturel.
Leur force de pression est souvent importante lorsqu’elle est relayée par les média.
En dehors des élections, les citoyens peuvent donc se faire entendre par ces groupes de pression.
IV – La réalité des classes sociales : peut-on parler de la “fin des classes ouvrières” ?
A – Le passé historique
Les ouvriers constituaient une image homogène : conditions de travail identiques (travail d’exécution directement sur la matière) et conditions de vie semblables (quartiers ouvriers, uniformisation de leur consommation).
Ce monde était clos sur lui-même et prônait l’hérédité sociale : fierté d’être ouvrier et endogamie. Les ouvriers sont porteurs et symboles du changement politique et social car ils créent de la solidarité. Ils sont associés au syndicalisme (lutte collective) et votent majoritairement à gauche. Ils avaient donc une identité et un projet fort.
B – Un monde en évolution : l’éclatement de la classe ouvrière
Au niveau des conditions de travail, il y a de plus en plus d’ouvriers spécialisés (OP) et un développement des fonctions de contrôle. Il existe un clivage entre OS et OP.
Il n’y a plus de mode de vie spécifique aux ouvriers bien que leur taux d’équipement soit moins important que celui des autres classes sociales.
Ils vivent dans des quartiers socialement composites et ont accès à la propriété immobilière et aux voitures (éloignement du lieu de travail). Les conditions de vie diffèrent cependant selon les ouvriers.
Au niveau de la psychologie sociale, on assiste à une baisse de la fécondité et à une baisse de l’endogamie. Le destin n’est plus tracé à l’avance, il existe désormais une mobilité sociale ascendante et un changement du rôle socialisateur de l’école et de la famille.
Mais, il reste un clivage entre ceux qui s’en sortent (“aristocratie ouvrière”) et les autres ainsi qu’un dualisme : le recul de l’identité ouvrière et la baisse de la culture ouvrière. La baisse du taux de syndicalisation et la crise du militantisme marquent la fin des projets communs et de la solidarité.
Le monde ouvrier semble se scinder en deux : un groupe plus âgé (tradition ouvrière) et un groupe plus jeune (plus promotionnel, plus individualiste, imprégné de la logique de rentabilité). Les freins à la solidarité sont :
- l’âge
- la qualification
- le statut de l’emploi (CDD/CDI)
- la nationalité
V – La remise en cause de l’analyse marxiste ?
A – Les raisons
- déclin quantitatif du nombre de conflits
- acteurs, formes, enjeux… sont-ils toujours les mêmes ?
- importance des nouveaux mouvements sociaux (NMS)
- recul général de l’action collective
- baisse du taux de syndicalisation
- hausse de l’individualisme
- passage de la société industrielle à post-industrielle
- la moyennisation de la société
- la baisse des conflits de classe
B – La classe moyenne
Subit de plus en plus la taylorisation. Certains parlent même de moyennisation mais aussi de prolétarisation de la classe moyenne. Il y a une remise en cause des privilèges de la classe moyenne qui revendiquent comme les ouvriers auparavant.
Conclusion
Les conflits de travail existent toujours. Avec les eurogrèves, les euroconflits et les euromanifestations, c’est l’Europe sociale qui se construit.
je pense que le conflit a une importance capiltale dans le changement de l’ordre social vieillissant qui constitue un frein à l’épanouissement des hommes en société.mais seulement , il se trouve que dans les pays du tiers monde, en afrique notamment, la positivation des conflits constructifs n’est pas encore ancrée dans les moeurs.
on se pose en s’opposant dit Fichte.il est urgent de penser à formeer les africains sur l’utilité des conflits.
Très juste ngako josué, je crois que ce que tu dis est très important. La question que je me pose est celle-ci : le reste du monde laissera-t-il l’Afrique se relever et se développer ? J’ai comme l’impression que cela en arrange certains que l’Afrique en général reste dans la catégorie tiers-monde. Le sida par exemple, pourrait-être endigué avec les traitements génériques actuels et pourtant rien ne semble être fait. Des gens meurent encore de faim alors que plusieurs dizaines de pays sont en surproduction de nourriture…
je suis assez d’accord avec josué, j’ai l’impression que cela commence un peu à bouger, même si ça reste très marginale, j’ai vécu deux ans au gabon et les contacts que j’ai gardé me disent que ça évolu lentement, en tout cas dans les milieux intellectuels de la capital. Par contre, attention aux mots que tu utilises matt, je te rappelle qu’il n’existe pas de vaccin contre le sida, uniquement des traitements de plus en plus performants et là ce sont les groupes pharmaceutiques qui font blocage avec les brevets, bien qu’il y a un arrangement entre les labos US et les labos indiens, qui peuvent vendre aux pays en développement leurs produits génériques, même s’ils restent trop cher pour la plus grande partie des africains
Commentaire édité Céline, merci pour la correction ! :)
il est indéniable aujourd’hui, aucune nation du tiers monde, non du quart-monde, ne peut se developper,si elle ne s’engage résolument sur la voie de la négation de toutes les forces négatives qui freinnent son emergence.c’est pourquoi le conflit doit être enseignée comme mode inevitable de transformation sociale. c’est par le conflit avec soi-même et avce les autres que nous nous detreminerons.
ilfaut savoir contester, s’opposer, refuser tout ce qui est contraire aux canons de la raison universelle en politique, en ecomnomie et société.
inscrire cela dans un programme de formation dans les lycées et collèges nous ferait une économie immense de casse te de désordre.
je suis stagiaire en Inspection du Travail. je suis tres contente de vous rencontrer, je voulais recueillir vos idees sur ce que peut etre un conflit social dans un milieu de travail qui releve des du systeme des nations unies.
comment se fait le reglement d’un litige survenu dans ce milieu et quelles peuvent etre les voies de recours?
merci
Bonjour Eliane,
Au niveau des Nations Unies, tout dépend de la nature du conflit et de ses conséquences géopolitiques. Si on regarde la Charte de l’ONU, on se rend compte que :
Petite remarque, tu as fait une faute, tu as mis deux: des
Ici dans la conclusion apres le II, 3. lutte du pouvoir, voici: Les classes sociales sont des des regroupements d’individus
Merci Panda, c’est corrigé !